SCIENCE

Contexte

Le pergélisol couvre 20 à 25 % de la surface terrestre de l’hémisphère nord. L’augmentation récente de la température de l’air dans l’Arctique et le Subarctique est nettement supérieure à la moyenne mondiale. Les simulations climatiques prévoient un réchauffement continu et une augmentation de la fréquence des incendies de forêt. Ce changement rapide entraîne déjà une dégradation du pergélisol, provoquant un affaissement du sol et un thermokarst, ce qui affecte l’utilisation des terres et la stabilité des infrastructures. L’augmentation de l’épaisseur de la couche active modifie l’hydrologie des sols et les schémas de drainage des eaux souterraines.

En outre, de grandes quantités de carbone et d’autres éléments inorganiques, précédemment piégés dans le pergélisol, sont libérés vers les systèmes aquatiques. Les micro-organismes convertissent le carbone organique hautement biodégradable nouvellement disponible en gaz à effet de serre, amplifiant ainsi le réchauffement climatique. Le pergélisol étant connu pour contenir de grandes quantités de carbone gelé, deux fois plus que sa teneur actuelle dans l’atmosphère, son dégel constitue un risque majeur en raison de la rétroaction positive sur le climat. En définitive, le changement climatique, par le biais du pergélisol et de la perturbation de l’habitat, affecte les communautés locales bâties sur le pergélisol et menace le mode de vie traditionnel des autochtones. Une meilleure compréhension des impacts de la fonte du pergélisol sur les sols, les flux d’eaux de surface et souterraines (zone critique) et le cycle du carbone, ainsi que de leurs facteurs de contrôle, contribuera à la compréhension de la rétroaction pergélisol-climat.

Contribuant à combler ce manque de connaissances, l’objectif global du projet PRISMARCTYC est de comprendre les différents processus hydrogéomorphologiques et biogéochimiques modifiant les sols pergélisolés, les écoulements d’eau de surface et souterraine, induits par la dégradation du pergélisol dans de petits bassins versants.

Cet objectif sera atteint en comparant différents sites en Sibérie, au Canada et en Alaska, avec différents contextes de pergélisol (par exemple, pergélisol Yedoma riche en glace ou tourbière de pergélisol riche en carbone ; pergélisol continu ou discontinu), sensibilité au climat, végétation, types de dégradation du pergélisol le long d’un gradient latitudinal et longitudinal. Les principaux sites d’étude en Sibérie et au Canada ont été choisis en fonction de l’expertise des membres de l’équipe pour couvrir un large éventail de contextes de pergélisol et de types de dégradation, afin de permettre des comparaisons croisées. Les basses terres de la Yakoutie centrale (Sibérie orientale), le sud-ouest du Yukon (Canada) et Chersky (nord-est de la Yakoutie, Sibérie orientale) seront les principales zones d’étude où des travaux de terrain intensifs seront menés. Olekma (Yakoutie du Sud, Sibérie orientale) et Batagay (Yakoutie du Nord, Sibérie orientale) seront les sites d’étude secondaires, où les recherches sur le terrain seront moins détaillées. Igarka (Sibérie occidentale) et l’Alaska (transect de la chaîne Denali à la station North Slope Toolik) sont choisis comme sites comparatifs car ils ont déjà été étudiés par les membres du projet.

Work Package du Projet

Un ensemble d’indicateurs quantitatifs (ou “sentinelles”) de la vulnérabilité des sols, des eaux de surface et des eaux souterraines est utilisé pour comprendre et comparer les impacts de la dégradation du pergélisol entre les différents sites. Ces indicateurs couvrent les conditions du pergélisol, la chimie de l’eau, le cycle du carbone et les communautés microbiennes en tant que composantes majeures du continuum pergélisol-hydrosystème. Nous analysons les différences et les similitudes entre les sites en termes de dégradation du pergélisol, et développons et testons de nombreux indices de vulnérabilité/durabilité pour de petits bassins versants englobant différents indicateurs.

Le projet est organisé en plusieurs work packages (WP) qui interagissent les uns avec les autres. Chaque WP se concentre sur un compartiment et/ou une voie du continuum permafrost-hydrosystème proche de la surface :

Caractéristiques du pergélisol et dégradation résultant de perturbations naturelles et anthropiques

Impact du dégel du pergélisol sur la composition des eaux souterraines et de surface

Caractérisation des processus microbiens et des émissions de gaz à effet de serre des écosystèmes

WP transversal : Observatoires de surveillance basés sur les communautés indigènes

Gestion, synthèse et comparaisons

Communication et éducation envers les communautés arctiques

Résultats attendus du projet PRISMARCTYC et impact scientifique

Objectif de l’appel : L’objectif de cet ARC est de produire les connaissances nécessaires et de proposer des solutions pour maintenir le bon fonctionnement des sols et des systèmes d’eau souterraine dans la zone critique1, ou les réhabiliter lorsqu’ils sont dégradés.

En reliant les différents Work Packages entre eux, depuis les études de terrain et de télédétection du permafrost jusqu’aux hydrosystèmes, le projet est susceptible de produire plusieurs résultats :

  • Identification des changements dans la zone critique et les ressources en eau dans les petits bassins versants de l’Arctique à partir des modifications sur les sols, le cycle du carbone et les eaux souterraines/surfaciques dues à la dégradation du pergélisol suite à des perturbations naturelles et anthropiques. Ces lacunes dans les connaissances ont été identifiées comme prioritaires dans le dernier Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC) Special Report on the Ocean and Cryosphere in a Changing Climate

    (processus associés à la libération de carbone (gaz à effet de serre et carbone dissous) et impact des feux de friches généralisés sur les écosystèmes soutenus par le pergélisol)

  • Co-construction de deux observatoires environnementaux communautaires indigènes (Evenk et Sakha) issus des connaissances indigènes et scientifiques sur l’évolution du pergélisol, avec pour résultat un nouveau protocole de surveillance.
    Amélioration de la communication vers les communautés locales, avec le soutien d’associations de citoyens, sur les modifications actuelles et futures des ressources en eau et en sol dues à la dégradation du pergélisol.

  • Production d’un manuel pour les enseignants en plusieurs langues afin de soutenir l’éducation sur les changements climatiques et le pergélisol à l’école et de développer des activités scientifiques de proximité pour les enfants.

  • Rassemblement d’un consortium international multidisciplinaire fort, capable de comprendre pleinement un système complexe soumis à des perturbations naturelles et anthropiques.